Amer court. À 20 ans, il est déjà champion de décathlon junior, il était auparavant membre de l’équipe nationale irakienne. Amer court. Il court derrière son rêve de vivre en sécurité en Belgique et de pouvoir réaliser son seul et unique projet: être un athlète, gagner. C’est sans doute cette compétition-là qui sera la plus difficile. Amer a quitté l’Irak parce que, dans son pays dit-il, certains n’aiment pas les sportifs de haut niveau. Sa maison a été incendiée, on a cassé les jambes de son frère qui, pour son malheur, lui ressemble beaucoup.
«Si j’étais resté, je serais mort à l’heure actuelle», affirme-t-il.
Son parcours est celui de la majorité des réfugiés irakiens et syriens: la Turquie, la dangereuse traversée entre la Turquie et la Grèce puis la route vers l’Europe: Macédoine, Croatie, Slovénie, Autriche, Allemagne, Belgique. Amer est encore très jeune. Il est d’un tempérament optimiste et insouciant, mais il n’oubliera jamais la traversée sur le bateau pneumatique vers la Grèce: les enfants qui pleurent, les vagues qui menacent à tout moment de renverser l’embarcation. «Notre pilote était habile. Ceux qui ont traversé juste après nous ont chaviré.» Tout au long de son voyage, Amer a continué… à courir. Comme si son entraînement avait seulement été interrompu, comme si sa vie dépendait aussi de sa condition physique future. Et quand les autorités belges l’ont installé en octobre 2015 dans le centre très délabré de Bredene (fermé depuis lors), il a continué à courir qu’il vente ou qu’il pleuve. Mieux: il s’est trouvé un club d’athlétisme pour l’accueillir, celui de Louvain.
Tout au long de l’examen de sa demande d’asile, Amer a fait la navette quotidienne entre Bredene et Louvain, soit 1h30 de trajet en bus. Le jeune Irakien a perdu près de huit kilos en un an, depuis son départ d’Irak, mais il continue à s’entraîner. Il a même commencé à faire du judo à Louvain, mais sa spécialité, dit-il, c’est le 400 mètres haies. Amer rêve de devenir champion du monde de décathlon et il est convaincu qu’un jour, il pourra rapporter des médailles à la Belgique.
Alors, quand, en ce mois de février 2017, sa seconde demande d’asile a été rejetée par le Commissariat général aux réfugiés (CGRA), le coup a été rude. Sa ville natale n’est pas située dans une zone à risques? Mais lui, dit-il, a été menacé en tant que sportif. Amer a subi une défaite, mais il a repris l’entraînement et va se battre pour obtenir sa régularisation. Le CGRA n’a pas cru le jeune Irakien, mais son entraîneur à Louvain croit en lui. Il va l’aider à gagner cette course au droit de séjour.
Les réfugiés dans le monde
Ici et ailleurs : Le reportage du collectif Huma
Amer entraîne désormais les jeunes du club d’athlétisme de Louvain, ce qui lui permettra de payer les frais d’avocat, avancés par son entraîneur. «Amer est très apprécié», constate Nacéra qui l’a hébergé après son départ de Bredene. «Il se lie facilement avec les autres et, au club de Louvain, les gens l’adorent.» Amer, lui, aime surtout le côté «très humain des Belges». Les haies ne se franchissent pas que sur les stades.
Interview réalisé par VANDEMEULEBROUCKE Martine
Janvier 2017